Tristan et iseut

De toutes les histoires d'amour que l'Europe a rêvées, celle de Tristan et Iseut est certainement la plus belle, la plus profonde, la plus grave.
Attention, néanmoins ! Les acteurs essentiels n'en sont pas le destin et la puissance de la mort comme on a voulu le croire d'habitude, ni les amants légendaires ne sont amants maudits. Cela, c'est la lecture d'une certaine société.
Or, à relire la légende, on s'aperçoit tout d'un coup comme Tristan et Iseut sont des êtres vivants, faits de chair et de sang, tout pétris de désir, emmenés par le souffle d'une vie prodigieuse. Ils sont aussi les témoins d'un autre Dieu que celui dont nous avons fait une idole, un Dieu d'amour qui connaît que les âmes exaltées sont les seules en ce monde à deviner quelque chose du royaume éternel.
Voilà ce qu'on ne pardonne pas à Tristan et Iseut ; voilà pourquoi ils meurent. Voilà aussi pourquoi, de nos jours, on peut sans doute revenir à la leçon qu'ils nous donnent : si on veut sauver notre terre menacée d'agonie, ne doit-on réapprendre que l'univers tout entier est aussi parcouru d'une immense circulation d'amour, que les bêtes et les plantes, les minéraux, les nuages et les vagues de la mer sont les frères et soeurs de nos coeurs, et que dans le mystère de l'union d'un homme avec une femme - dans l'union de leurs corps et de leurs âmes conjoints - c'est une figure qui se dessine de ce mystère suprême où, au-delà même de ce Mal qui est attaché à ce monde, l'Univers se rédime et retrouve son Âme?
Certes, la quête est douloureuse. Les épreuves ne manquent pas. Mais la flamme de l'amour ne cesse jamais de briller, ni l'espérance de survivre, ni la certitude de se dire à travers la passion qu'il existe en un lieu qui échappe à toute carte, dans la bulle d'air de Tristan ou les Îles de Fortune dont Iseut est l'emblème, un domaine éternel dont nous avons tous le souvenir et la nostalgie sans retour, et où nous attend certainement la figure de notre ange.
Car, que vaudrait le coeur de l'homme, si l'amour n'existait pas ?